Le thème que je vous propose d’étudier ensemble au cours de ce séminaire du mois de juin prochain est celui du patrimoine, un mot dont il est difficile de donner une traduction exacte en anglais en raison sa polysémie (le mot heritage s’en rapproche sans doute le plus). Le patrimoine a connu une forte extension depuis la fin des années 1970 en France, qu’elle soit d’ordre chronologique, topographique, catégorielle ou encore conceptuelle. Le patrimoine est en effet aussi composé d’œuvres qui ne sont pas forcément retenues pour leur valeur esthétique, mais qui portent en elles une charge historique ou mémorielle importante. En France comme ailleurs, le patrimoine n’est pas toujours un sujet consensuel et nous verrons les tensions qui existent parfois autour de cette question.
De plus, le patrimoine de la période contemporaine, et plus particulièrement celui du 20e siècle, a connu de nombreuses vicissitudes. Sa reconnaissance s’est faite tardivement et encore aujourd’hui de nombreux édifices sont détruits ou transformés sans respecter la valeur originale du lieu.
Nous allons tenter de comprendre durant ces journées comment s’est opéré cette reconnaissance et comment s’est forgée la notion de patrimoine en France à l’époque contemporaine et ses récentes évolutions. Nous évoquerons plus particulièrement le patrimoine architectural du 20e siècle à travers quelques exemples comme la piscine Molitor à Paris ou les halles Boulingrin à Reims.
Lorsque l’on demande à un Français ce qu’évoque pour lui le mot « patrimoine », il pense en général au patrimoine bâti, à l’architecture, mais le patrimoine recouvre également d’autres significations, comme le patrimoine immatériel qui inclut les chants et les danses d’une culture, comme le Fest-noz en Bretagne.
Nous verrons également l’importance de la mémoire et de ses liens ou tensions avec le patrimoine. La mémoire devient en effet un nouvel objet d’étude pour les historiens comme l’ont montré les travaux de Pierre Nora. L’architecture industrielle, sorte de « patrimoine de la douleur », a connu en France une reconnaissance récente, comme les forges du Creusot ou encore le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Le patrimoine de la Reconstruction a lui aussi une charge mémorielle forte. En France, sa reconnaissance est récente comme au Havre, ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Enfin, nous discuterons des écoquartiers en France, entre développement durable et mise en valeur du patrimoine. De nombreuses villes françaises, à l’exemple d’autres pays d’Europe du Nord principalement, ont décidé de créer des écoquartiers sur des friches militaires ou industrielles afin de tendre vers une ville durable. Est-ce que ces projets montrent vraiment une ville durable ou est-ce simplement du green washing ? L’exemple du nouveau quartier de la Courrouze à Rennes nous servira d’exemple à la fois théorique et pratique, puisque nous aurons l’occasion de visiter cet ancien site militaire dont certains éléments ont été conservés afin de respecter la mémoire du lieu.
Nous prendrons Rennes comme fil rouge de ces journées. Rennes est en constante transformation avec de nouveaux quartiers en constructions, une nouvelle gare, une nouvelle ligne de métro, un centre des congrès installé dans un ancien couvent… Nous aurons également la chance de voir une formidable exposition au Musée de Bretagne retraçant les découvertes récentes sur le passé urbain de Rennes au sein de l’exposition Rennes : les vies d’une ville ou encore de (re)découvrir les mosaïques d’Odorico à Rennes avec le regard d’une spécialiste nationale. Vous découvrirez également l’importance de la gastronomie française (classée au patrimoine mondial de l’Unesco) à travers un atelier culinaire autour de saveurs régionales et contemporaines.
C’est avec une grande impatience que je vous accueillerai au cours de ces journées rennaises aux portes de l’été.
Bien cordialement,
Benjamin Sabatier